Grâce à une technique de spectroscopie originellement développée pour la science des matériaux, l’eau devient un moyen original pour suivre la réponse biologique des cellules à un stress spécifique, comme l’exposition à un agent thérapeutique photoactivable.
C’est ce que Laure Gibot, Anne-Françoise Mingotaud et Patricia Vicendo de l’équipe IDeAS, en collaboration avec d’autres scientifiques du Laboratoire d’optique et biosciences de l’École polytechnique et du Centre de microscopie électronique appliquée à la biologie, viennent de mettre en évidence dans une étude parue dans la revue Advanced Science.
La spectroscopie térahertz (THz) est une technique physique largement utilisée pour caractériser des matériaux à l’aide d’ondes électromagnétiques. Dans une gamme de fréquences qui varie de quelques centaines de GigaHz à quelques THz, elle s’accompagne d’une forte réponse de l’eau qui ouvre de potentielles applications pour les études biologiques des tissus et cellules riches en eau. Contrairement à d’autres techniques d’imagerie, les rayonnements utilisés en spectroscopie THz pour sonder l’échantillon sont sans danger pour les tissus biologiques car ils n’interagissent pas physiquement avec la matière.
Grâce à cette spectroscopie, ce consortium interdisciplinaire de physiciens, chimistes et biologistes a récemment visualisé et quantifié les phénomènes précoces intervenant à l’échelle de la membrane des cellules, suite à un traitement anticancéreux par thérapie photodynamique (PDT). Encore peu implanté en France, ce traitement utilise des molécules photosensibles. En l’absence d’excitation lumineuse, ces molécules sont non toxiques et inactives. Suite à une activation lumineuse et en présence d’oxygène, elles génèrent par contre un stress oxydant local qui peut conduire à la mort cellulaire dans le cas des applications médicales anticancéreuses.
Les scientifiques ont mené ces mesures physiques par spectroscopie THz, en parallèle à des expérimentations biologiques habituelles en laboratoire. L’effet du traitement par thérapie photodynamique de cellules cancéreuses a ainsi pu être mis en évidence. Les résultats obtenus indiquent une réelle plus-value de la spectroscopie THz pour suivre le traitement par rapport aux approches biologiques de référence. D’abord, elle permet d’observer l’évolution des réponses cellulaires dès le démarrage de l’irradiation lumineuse, en suivant en temps réel le contenu intracellulaire en eau sur des échelles de temps de plusieurs heures. En suivant le nombre de défauts (trous) créés sur la membrane des cellules cancéreuses, elle permet également une estimation quantitative des dégâts engendrés par le stress oxydant local lors de la thérapie photodynamique. La spectroscopie THz est donc une technique prometteuse et complémentaire aux études et techniques biologiques classiques et établies.
Ces résultats ouvrent ainsi de nouvelles perspectives dans la compréhension de phénomènes biologiques induisant une modulation du contenu en eau de la cellule, comme c’est le cas dans le traitement anticancéreux par thérapie photodynamique.
Observation par microscopie à balayage de cellules cancéreuses non traitées (contrôle, à gauche) et traitées avec un médicament activé par la lumière (PDT, à droite). © Rachel Brival – Softmat / CMEAB