Des chercheuses de l’équipe SMODD au laboratoire Softmat, en collaboration avec leurs partenaires du laboratoire EDB ont quantifié pour la première fois la pollution en microplastiques dans les eaux et les sédiments de la Garonne afin de mieux comprendre la contamination des invertébrés et des poissons. Ces travaux, menés dans le cadre du projet de recherche PlastiGar financé par l’Agence de l’Eau Adour-Garonne et la Région Occitanie, ont été récemment publiés et permettent de mieux comprendre l’ampleur de cette pollution dans les écosystèmes d’eau douce en identifiant les variations saisonnières et géographiques ainsi que la contamination des organismes aquatiques.
80% des plastiques retrouvés dans les océans proviennent des rivières et des fleuves. Les cours d’eau servent de convoyeur de cette pollution depuis la zone où les plastiques entrent dans la nature jusqu’aux océans. Au cours de cette phase de transport, parfois très longue, les plastiques vieillissent, s’oxydent, se dégradent et se fragmentent en petits morceaux. Ils sont connus sous le nom de microplastiques et leur taille représente moins de 5mm. Mieux comprendre la dynamique de cette pollution dans les eaux continentales et la contamination potentielle des organismes d’eau douce représente un enjeu crucial.
En premier lieu, l’équipe de recherche s’est attachée à caractériser la pollution en microplastiques dans les eaux de la Garonne et de ses affluents, à l’aide de filets afin de filtrer l’eau de surface, au niveau de 14 sites situés entre les Pyrénées et la ville d’Agen, en passant par l’agglomération toulousaine. Dans les échantillons collectés en 2019, les scientifiques ont isolé près de 1900 particules de microplastiques, comprises entre 0,7 et 5mm, et constitués de 3 principaux polymères de plusieurs couleurs. La pollution en microplastiques était extrêmement variable, allant d’une pollution nulle dans certains cas jusqu’à plus de 3 microplastiques par m3 d’eau dans des zones fortement urbanisées de l’agglomération toulousaine. Il existait également de fortes différences entre les saisons, avec une concentration augmentant fortement lorsque le débit des cours d’eau diminuait en été.
Sur la base de ce constat, les scientifiques ont décidé de concentrer leurs travaux sur 6 sites localisés directement en amont, en aval et au sein de l’agglomération toulousaine afin de mieux comprendre si ces microplastiques contaminaient les différentes espèces d’invertébrés et de poissons de la Garonne. Les résultats ont démontré que 2% des invertébrés et 10% des poissons avaient ingéré des microplastiques. Chez les poissons contaminés, il y avait entre 1 et 4 microplastiques par individu. Il existait des différences de couleurs et de polymères entre les microplastiques ingérés et ceux présents dans les sédiments et l’eau, indiquant une consommation non aléatoire.
Par une approche novatrice, les scientifiques ont pu mieux comprendre l’origine de cette contamination. Les invertébrés, les prédateurs et les individus de grande taille, tels que les larves de libellules et les écrevisses, présentaient les contaminations les plus fortes, indiquant certainement une consommation directe des microplastiques. Chez les poissons, les prédateurs n’étaient pas les plus contaminés, mais plutôt ceux, tels que le goujon ou le barbeau, qui se nourrissent dans les sédiments. Pour ces espèces étudiées, ces résultats indiquent une ingestion principalement directe et accidentelle des microplastiques composés des polymères les plus denses lorsqu‘elles s’alimentent sur le fond des cours d’eau.
Comme dans d’autres cours d’eau en France et Europe, la pollution en microplastiques et la contamination des organismes sont donc omniprésentes dans le bassin versant de la Garonne. Ces phénomènes s’accentuent fortement autour des zones urbanisées.
L’omniprésence des microplastiques dans les écosystèmes et la contamination des organismes soulèvent de nouveaux défis pour les scientifiques qui s’attacheront à mieux comprendre le cheminement des microplastiques entre eau, sédiment et organismes. Il est aussi nécessaire d’appréhender les conséquences écologiques des contaminations sur les organismes et les écosystèmes, et comprendre comment cette pollution interagit avec d’autres formes de pressions humaines sur la biodiversité aquatique.
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